Vernissage le 24 novembre 2015 à partir de 18h À la galerie NegPos – Fotoloft 1, cours Némausus 30000 Nîmes
Invitée d’honneur : Souad GUENNOUN
Autres invité(e)s : Thami BENKIRANE, Laila HIDA, Ghita SKALI, Fatima MAZMOUZ et Mohamed MALI, le projet CASABLANCA Passé > Futur avec Jaâfar AKIL, Claude CORBIER, Fabienne FOREL, Patrice LOUBON et Fatima MAZMOUZ
NegPos entretient depuis 2007 une relation soutenue avec les photographes marocains et l’Association Marocaine d’Art Photographique (AMAP). Hors des sentiers battus et des images stéréotypées, notre action pour participer à révéler la richesse actuelle de la photographie marocaine est passée par différentes étapes. D’échange en échange de projets communs en itinérances improbables (Maroc…Chili…France), de nouvelles circulations apparaissent. L’un de nos objectifs, avec cette nouvelle programmation, est de mettre en lumière le travail des femmes photographes du Maroc. Si les hommes occupent toujours une grande place dans la photographie de ce pays, il était hors de question pour cette nouvelle occasion que nous nous sommes donnés, de leur laisser le haut du panier ! La photographie marocaine ne fait pas exception à la règle internationale, les femmes sont de plus en nombreuses à occuper ce champ de vision bidimensionnel.
Patrice Loubon
Souad GUENNOUN www.dyade-ad.com
A travers deux expositions de photographies, des projections de ses films et des rencontres avec le public, Souad Guennoun accompagnera la semaine d’inauguration de cet événement. Photographe engagée s’il en est, citoyenne et militante, elle est aussi conférencière sur des thématiques très épineuses, comme par exemple les méfaits du micro-crédit. Le regard critique qu’elle porte sur sa société est à comparer à ceux de quelques illustres de ses prédécesseurs tels : Lewis Hine, Walker Evans, Antonio Quintana, Hector Garcia ou encore, plus contemporain, Allan Sekula. Essentiel à l’histoire du monde et de son pays, son travail constitue une mémoire active pour comprendre les effets de l’ultralibéralisme et de ses méthodes.
BIO
Née en 1956 à Casablanca (Maroc). Elle vit et travaille dans cette ville. Architecte de formation et de profession, elle débute en 1990 un travail d’écriture et de relevés photographiques notamment sur l’architecture disparue de Casablanca, l’architecture moderne au Maroc et sur la mémoire des espaces et des lieux. Cette première phase d’investigation sur les bâtiments ou les quartiers remarquables des cités marocaines est menée avec le souci de la découverte et de la réappropriation d’un patrimoine, qu’il soit « moderne » ou traditionnel, bien souvent en déshérence. Cette vision où l’architecte se mêle au photographe est particulièrement sensible en ce qui concerne Casablanca, ville à laquelle Souad Guennoun voue une affection particulière. C’est dans cette grande métropole qu’elle photographie, en 1996, toujours sur le mode de l’enquête, les enfants des rues, « Les Incendiaires » (exposition individuelle itinérante), série à la fois tendre et sociale, puis ces « fragments d’imaginaire » (édités en livre par les éditions Le Fennec), où elle laisse libre cours à sa relation poétique avec Casablanca. Elle collabore à l’hebdomadaire marocain « Le Journal » pour lequel elle réalise des reportages sur des thèmes généraux ayant trait à la vie quotidienne et à la culture. « Les sujets ne manquent pas, dit elle, encore faut-il vouloir voir ».
Ghita SKALI
BIO
Ghita Skali est née en 1992 à Casablanca, Maroc. Elle vit et travaille entre Nice, Casablanca et des voyages. Elle étudie à la Villa Arson, école d’art contemporain (Nice, France). Ses œuvres utilisent l’humour, des considérations sociales et la subversion. A travers diverses formes d’expression tel l’écrit, la photographie, la vidéo, la performance et les installations, son travail s’articule autour de la représentation de l’identité avec une forte relation aux mots et images. Elle a exposé dans de nombreux lieux, dont l’Amour (Paris, 2015), Venise Cadre Gallery (Casablanca, 2015), Le cube Independent Art Room (Rabat, 2013), Château du Lourmarin (Marseille, 2011).
Laila HIDA
A la recherche du temps perdu
Un duo d’artistes, la photographe Laila Hida et le styliste Artsi, installés à Marrakech, collaborent ensemble pour créer un univers et une iconographie à partir des créations du styliste. Pour les photos, tout est pensé et mis en scène à quatre mains avec le créateur Artsi. Pour leur dernière création, les auteurs ont pensé ces images comme différentes allégories pour questionner l’actualité. Dans chacun de ses onze portraits, le personnage imaginé est à la recherche de quelque chose : une spiritualité, une vie matériel, un souvenir, une nouvelle philosophie, une réponse… Pour renforcer l’aspect iconique, la photographe Laila Hida a souhaité utiliser le procédé classique de la photographie de mode en studio. Sur un fond blanc, le modèle pose avec des accessoires simples et minimales- voile, valise, Tv, branche-dans des tons sobres noir ou blanc. La photographe s’impose par cette simplicité apparente. Ce procédé photographique d’une grande sensibilité révèle ces accessoires comme des symboles de notre quête respective, intime et pourtant universelle.
Jeanne Mercier
Le moule
Si école et prison, en tant que lieux et en tant qu’institutions, sont configurés pour graver des textes différents, via des procédures différentes, leurs buts co-incident: discipliner les corps et les esprits. Insérer le sujet qui en fait l’expérience dans une vie sociale préalablement réglée. Le mettre sur orbite dans des trajectoires verrouillées. Une formation. Donner forme à. Attendre que ça prenne forme. Après dix ans, enlever le moule: les contours de ce dernier l’auront durablement marqué. Moins plastique, moins malléable, il suivra seul. Pas plus égaux devant l’instituteur que devant la mort. On sait, depuis Bourdieu, qu’elle creuse les écarts déjà existants, favorise ceux déjà socialement favorisés. N’a de démocratique que le corpus. La qualité de réception du corpus, elle, dépend de critères qui la dépassent, et en prédéterminent le cours. Cette oeuvre est aussi une invitation à penser les trajectoires et les champs du possible qui s’offrent (se sont offerts ?) à l’élève, puis à l’étudiant. Les choix pris, ceux abandonnées, perçus comme sans perspectives, hors-système. A penser l’évolution des représentations de l’élève. Ses doutes, amortis par les certitudes qu’inculque système. Ses traits singuliers qui résistent aux stratégies de conformisation de l’école. Et son individualité.
Reda Zraig
BIO
Née en 1983 à Casablanca, Laila Hida vit à présent à Marrakech où elle est photographe indépendante autodidacte depuis 2012. Après ses études en communication journalistique, elle commence à travailler en tant que productrice dans la rédaction d’un magazine de mode à Paris . Elle découvre la photographie de mode, la lumière, la mise en scène et quitte son poste après 5 ans, pour se consacrer à ses projets personnels. Elle commence par photographier des bâtiments industriels et usines abandonnées, qu’elle retravaille ensuite pour créer une image surréaliste. C’est à travers le portrait qu’elle poursuit cette démarche de mis en scène. Ainsi elle collabore de nombreuses fois avec un designer de mode, Artsi, avec lequel ils créeront des images qui sont comme des album de famille, utilisant le langage de la mémoires, de la nostalgie. Aujourd’hui, elle poursuit un projet personnel sur l’enfance et l’école, les dualités que comporte le système entre conditionnement (la contrainte) et imaginaire (la liberté). Laila Hida est fondatrice du 18, Derb el ferrane, un espace alternatif de culture et d’expression artistique situé dans la médina.
Fatima MAZMOUZ
Super Oum
L’artiste en performant son corps – alors enceinte – engage une réflexion sur les projections que cristallise le corps féminin dans la sphère intime comme dans celle du politique. En se jouant des codes de représentation de la figure humaine de nos sociétés ancestrales et contemporaines, Fatima Mazmouz se travestit tour à tour en catcheuse, déesse mère indo-européenne, ou prend la pose telle une modèle de studio photo pour nous amener à repenser l’être féminin… Serait-ce la grossesse, cet état temporaire, éprouvé par la femme qui définirait l’être féminin? Ce moment où peu à peu le corps de la femme, l’intime, glisse vers le sociétal : l’être fécond, l’être reproducteur ? Alors que le corps de la femme n’échappe à aucun cliché, aucune icône, aucun protectionnisme et paradoxalement aucun exhibitionnisme, «Super Oum» de Fatima Mazmouz nous dévoile des silhouettes qui nous interrogent sur la question de notre appartenance, de notre identité.
Bandes pansantes
Cette série de photos est extraite du projet « Le corps pansant 2 » fondé sur la problématique des identités culturelles. Bandes pansantes s’en réfère au jeu de mots établi entre les bandes de pansement et les bandes culturelles. Nous appartenons tous à des « bandes culturelles » qu’elles soient communautaires, familiales, religieuses, associatives etc, et seule l’acceptation de toutes ces bandes permettent de se construire dans notre pluralité et non dans le renoncement. C’est pourquoi Bandes pansantes, toujours dans le sens de la réparation, se présente comme des portraits iconiques à forte dimension baroque, caractéristique de l’identité en constante évolution.
BIO
La production artistique de Fatima Mazmouz débute en 1998 comme un moyen d’interroger la notion d’identité dans toute sa complexité : le genre, le corps, l’immigration, et cetera, avec tout ce que cela implique de stéréotypes et de clichés. Fatima Mazmouz crée des passerelles entre l’intime et les problématiques d’ordres politico-socio-culturelles qui la traversent. La question du multiculturalisme entre autre devient l’axe principal de son travail où la réflexion sur le corps s’impose. Elle a exposé dans des lieux très divers entre autre à Rome, Madrid, Amsterdam, Anvers, Paris et le Caire, en participant notamment à de grandes manifestations culturelles comme en 2005 aux 6ème Rencontres Africaines de la photographie de Bamako, en 2006 au Festival Internationales de la Photographie de Arles, en 2009 à Paris-Photo au Carrousel du Louvre et en 2015 à l’Institut du Monde Arabe à Paris. Elle est représentée par la galerie Fatma Jellal à Casablanca et la Mamia Bretesché Gallery à Paris.
Mohamed MALI
Les lumières de Mali
« Lightning strikes not once but twice…
Now lightning strikes in old New York
It may be dark but I wanna talk
It might rain, it might snow
Too many things I got to know
If this is spring than it’s time to sing
Never mind the l’il birdies wing
Look out, look out, old New York
New York’s coming an’ New York talks
Hey! Strike! Not once…
Strike! But twice! »
Joe Strummer (1950-2002)
Comme du plus profond des âges, les lumières de MALI nous renvoient aux lueurs et aux ombres de la caverne de Platon (Livre VII de La République). Prenant le long chemin vers la connaissance de la réalité, nous cherchons sans relâche, avec erreur ou avec raison ; et c’est grâce à la lumière qui définie les choses, tout en leur faisant prendre parfois l’allure de curieux « fantasmes », que nous avançons dans le noir. La réalité est le fruit d’un assemblage visuel, sonore, olfactif et tactile. Et curieusement c’est cette dernière fonction qui semble être la plus éprouvée lorsque l’on scrute attentivement les photographies de MALI. Son œil a touché du bout de la pupille les photons de lumière qui se posent sur tout. Il a senti les formes des choses, leur grain, leur chaleur ou leur froideur, il a su effleurer par son regard la « peau » luminescente du monde. Le regardeur est à présent invité à faire de même et il vient se délecter des subtils ou brusques écarts de luminosité et autres jeux graphiques qui charpentent l’image. L’œil « broute » la surface de l’image, parfois hameçonné, parfois nourrit de la richesse et de la complexité des constructions qui lui sont données à voir. Les « éclairs » aveuglants de MALI déchirent littéralement l’obscurité (lightning strikes !), tels de puissants phares qui nous guident vers un ailleurs forcément hors-champ, dont on voit souvent se dessiner le tracé qui y mène, sans pour autant en soupçonner l’issue. De New York au Maroc, il y a plus qu’un océan. Pourtant c’est de l’autre côté de l’atlantique que vit Saul LEITER, un possible alter- ego new yorkais à Mohamed Mali. On peut aisément faire le lien entre les œuvres de Mohamed MALI et celle de Saul LEITER. Tous les deux fascinés par l’organisation plastique des formes et de leur résonnance à la couleur et la lumière, MALI et LEITER entretiennent avec la réalité une relation pour le moins distanciée. Rien de documentaire dans leurs images. Elles sont le support de la visualité pure et d’un rêve éveillé. Curieusement, l’un comme l’autre, n’ont pas pour ambition de parvenir à la gloire et à la célébrité, humbles et discrets, ils partagent ce même goût pour la mesure et l’ombre. L’apanage des vrais grands maîtres. A présent malgré cette identité commune et le double amour qu’ils portent chacun à l’ombre et à la lumière, l’heure est venue de se rendre sous le feu des projecteurs !!! Lightning strikes not once but twice Mr MALI !
Patrice Loubon
BIO
Né en 1957 à Figuig (Maroc). Vit et travaille actuellement à Casablanca. Animé par l’amour de la photographie, sa principale et éternelle passion. L’artiste fut en 1988 l’un des membres fondateurs de l’Association Marocaine d’Art Photographique (AMAP) dont le but essentiel est de promouvoir l’art photographique marocain. C’est le même but qui le conduira plus tard, en 2002, à devenir rédacteur en chef du Magazine «Photo News». Il multiplie les expériences photographiques aussi bien au Maroc qu’à l’étranger en restant toujours fidèle à son sujet de prédilection : «La lumière», accompagnée d’un trio de constantes invariables : forme, espace, architecture. Parallèlement à son activité artistique, un grand souci de la transmission du savoir, combiné à une forte dose d’altruisme et de générosité, le ramène tout naturellement à enseigner, depuis déjà 13 ans son savoir-faire photographique à des photographes en herbe dans plusieurs institutions et à l’occasion de différentes rencontres.
Thami BENKIRANE
Codes-barres de la pesanteur
Attention ! le petit oiseau va sortir…* Libre improvisation autour du thème de l’enfermement, chapelet d’icones métaphoriques de notre condition humaine, chacune des images de la série « Codes-Barres de la Pesanteur » de Thami Benkirane nous apparaît comme un petit monde en soi. Une « cage bidimensionnelle » en quelque sorte. Parfois plus en phase avec un exercice documentaire, parfois plus oniriques ou encore mises en scène, ces photographies qui témoignent parfois du sort souvent cruel que l’on réserve à nos congénères ailés, sont individuellement comptable d’un état précis de nos empêchements, de nos blocages personnels. Ici, l’oiseau est victime, ici il est liberté, ici on l’emprisonne, ici on le dessine ou on le peint, il incarne, virevoltant à travers les petites mises en scène du photographe les différentes relations que nous tissons avec le volatile. Fin bretteur du verbe et de l’image, Thami Benkirane est connu pour son regard aiguisé et des compositions étudiées, l’exercice de style si cher à Raymond Queneau ou Georges Perec, est aussi l’un des ses modes d’actions privilégié. Aux confins des styles et des genres, repoussant en permanence cette obligation quasi rituelle de la série qui adopte une déclinaison purement formelle, Thami Benkirane, L’homme à la tête de cage, iconoclaste, fait feu de tout bois pour nous dire et nous redire ce qu’il a au fond de l’âme, peut-être cette tristesse désarmante et cette révolte qui peuvent nous prendre face à la vue d’un oiseau en cage. Si l’art a besoin de limites pour exister, limites qui lui autorisent une expression libre et profonde, l’être humain nécessite de ressentir l’absence d’entraves de façon à pouvoir par lui-même définir son champ de création.
Patrice Loubon
* désigne à l’origine de la photographie (xixème siècle) un accessoire destiné à occuper l’attention des personnes photographiées, à l’époque où les temps de pose étaient très longs.
BIO
Né en 1954 à Fès. Vit et travaille à Fès. Il a le parcours d’un connaisseur de la photographie, discipline qu’il enseigne depuis des années à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Fès. Natif de la médina de Fès, l’artiste traduit par l’image ce qui fait l’essence et l’esprit de sa ville natale. Dans l’un de ses courts poèmes, il dit l’amour indéfectible qu’il porte à cette cité: Né à Fès Fasciné Et per fas et nefas Amants aimantés. Le photographe a à son actif plus d’une trentaine de manifestations dédiées à l’image. Il s’est vu attribuer les premiers prix de plusieurs d’entre elles. Il a aussi participé à plusieurs expositions au Maroc et à l’étranger notamment au Chili, en Espagne, en France, aux Iles Canaries, au Mali, en Allemagne, en Tunisie, en Iran, en Algérie et ailleurs… Professeur de l’Enseignement Supérieur, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Fès.